Albert Lebourg, les diverses expositions de tableaux, catalogue de l’œuvre du peintre…

Albert Lebourg biographie

Biographie du peintre Albert Lebourg :

L’œuvre de Albert Lebourg, c’est en effet sa vie. Il n’a vécu que pour son art. En dehors des affections, qui tiennent une si grande place dans son existence, car il n’est pas de cœur plus aimant, d’ami plus fidèle, l’amour de son art a été, comme tous les amours, la joie et la torture de sa vie.

Albert Lebourg
Peintre normand


La peinture, cependant, n’a pas précisément été le but exclusif pour Albert Lebourg. Il ne lui suffit pas d’avoir couvert une toile de combinaisons et d’accords. Il est loin, comme les hommes de sa génération, des jeunes d’aujourd’hui qui ont la prétention de se passer de la nature, de se soustraire à la représentation des choses et de limiter l’art à ce qu’ils appellent des « équivalences ». Hélas ! Toute la peinture n’est-elle pas qu’ « équivalences » et n’est-ce pas par de continuels à-peu-près, par d’inévitables transpositions que nous essayons de fixer la magnificence du décor éternel et changeant, au milieu duquel nous sommes placés ? Mais c’est cette éternelle et éphémère féerie des choses que Albert Lebourg s’évertue à traduire. Il est, lui, en extase perpétuelle devant la nature. Il n’est jamais lassé de ses enchantements quotidiens. Il s’absorbe, il s’épuise dans une contemplation continue que rien ne vient interrompre. Il est secoué par les événements, il est, semble-t-il, terrassé par les épreuves de la vie, rien, cependant, dans ses plus mauvais jours, dans ses moments si fréquents de retour pessimiste sur lui-même, ne vient arrêter ni suspendre cette extase et cette contemplation. « La vie est un torrent, pourra-t-il écrire, qui nous charrie au néant » ; mais il remarque en même temps que les bords en sont si merveilleux qu’il faut s’en donner la joie jusqu’au bout.
C’est cette faculté d’émerveillement, que ni la pratique du métier, ni l’âge n’ont émoussée, qui donnent à son œuvre cet attrait invincible, ce charme attirant et pénétrant. C’est, avec Lebourg, la nature qui nous parle, la nature par un interprète ému et compréhensif.
Sa carrière commence peut-être dans l’atelier de l’architecte bienveillant où il se repaît des beaux dessins de Delamarre qui ornent les murs, mais sa vocation s’est faite devant la nature même, dans ce petit coin plaisant et familier de Montfort, avec sa jolie rivière de la Risle, au flot vif et brisé par les vannes des moulins. Cet aimable paysage autour du foyer paternel, il l’aimait déjà d’un amour filial, d’un amour qu’il sentait et qu’il comprenait déjà, qui le rendait tout rêveur et tout absorbé et comme incapable d’entrevoir autre chose. Il nous dit lui-même l’impression que Lui produisit, au collège d’Évreux, le discours de distribution de prix d’un professeur qui conseillait aux élèves, impatients de partir, l’emploi des vacances. Il ne leur donnait pas de devoirs, pas de lectures, mais il les engageait à regarder autour d’eux, à jouir du ciel, du soleil, des arbres, à admirer le miracle chaque jour renouvelé de la vie des champs Albert Lebourg fut le seul à le comprendre, mais comme il le comprit bien ! Le brave homme les exhortait à faire ce qu’il avait toujours fait.
La carrière proprement dite de Albert Lebourg, c’est-à-dire la période de son développement professionnel, commence entre 1873 et 1875, avec ce séjour en Algérie qui fut pour lui le premier pas vers la libération, la première étape, inespérée alors, qui lui permit de s’adonner entièrement à la peinture. Lebourg peint à côté de son malheureux ami Seignemartin, qui fermera les yeux entre ses bras en 1875, et fut na peu son initiateur dans la traduction des phénomènes du ciel africain. Dès cette date, Lebourg, inconsciemment, trouve sa voie future ; sans s’en douter, il applique le système « reluire des effets de la lumière dont Bande Monts donnera, une quinzaine d’années plus nard, l’éclatasse démonstration avec ses séries des Meules, des Peupliers, des Cathédrales, etc. Il se plaît à peindre l’Amirauté, son quai et ses balcons verts, la mosquée de la Pêcherie ou tel autre coin d’Alger, en étudiant le même motif aux différentes, heures du jour. Il est alors, ignorant tout à fait l’impressionnisme, dont la formule, du reste, est toute nouvelle, un impressionniste sans le savoir.
Aussi, lorsqu’il verra les premières toiles de Claude Monet, de Sisley ou de Pissarro chez son ami le marchand de tableaux Portier, avec quel enthousiasme saluera-t-il ces maîtres ! Il se sentira aussitôt dans son milieu. Après les premiers tâtonnements, il découvre sa propre manière, son écriture, une façon inédite et personnelle d’exprimer les sensations si vives-, si aiguës, chaque jour plus subtiles, qu’il éprouve devant tout ce qui passe, tout ce qui change, tour ce qui fuit, tout ce qui s’évanouit sous le ciel ou sur les eaux. Car il sera le peintre inégalé des buées, des neiges, surtout, avec leurs reflets, des pluies, des givres, des fumées, des brouillards du matin qui se lèvent, des brumes du soir qui s’abaissent avec l’ombre, des aubes indécises, des crépuscules qui se meurent, de tous les phénomènes fugitifs, ces beautés qui semblaient insaisissables et qu’il a si bien su saisir, aux heures et aux saisons où tout est nuances dans la nature. Il s’ennuie devant les spectacles qui ne changent pas ; il aime particulièrement les ports de mer et les bords de rivière où les voiliers et les barques de pêche sont ballottés par les flots, où les chalands et les péniches sont halés en laissant un long sillage lumineux sur la surface ridée des eaux.
Albert Lebourg a beaucoup voyagé, mais surtout en France, malgré deux saisons particulièrement fructueuses en Hollande, et toujours pour revenir avec plus de tendresse, plus de sensibilité devant les aspects familiers des bords de la Seine entre Paris et Rouen.
Au retour d’Algérie, on le voit vagabonder entre Dieppe et Honfleur où le suit le souvenir de Boudin ; puis l’Auvergne l’attire et il l’appelle avec reconnaissance sa seconde patrie. C’est qu’à l’Auvergne il doit, tout au moins, un de ses chefs-d’œuvre, cet admirable tableau si pathétique de Pont-du-Château, avec sa petite diligence traversant le pont, qui met la note humaine dans le silence désolé de ce paysage de neige ; maintenant le voici installé à Puteaux et il rayonne sur toute la petite et la grande banlieue parisienne, suivant la Seine de Bougival jusqu’à Vernon, plantant son chevalet à Port-Marly, Argenteuil, Herblay, Chatou, descendant au Bas-Meudon et même à Billancourt. Le voilà bientôt aux Eyzies, à La Rochelle, et là, naturellement, il ne peut manquer de penser à Corot ; il remontera un jour jusque vers le lac de Genève, à Saint-Gingolph, à Sion, on le verra plus tard à Chalou-Moulineux, où il peint, dans une manière plus large, les grands arbres décoratifs au bord de l’étang ; mais c’est, chaque fois, pour revenir et enfin pour se fixer sur ces bords de la Seine qui forment son royaume, avec ses deux capitales, Paris et Rouen, où il alterne constamment, peignant tantôt, ici, le pont Marie, le pont Saint-Michel, tous les ponts de Paris, l’écluse de la Monnaie et surtout, prise de tous les points de vue, Notre-Dame, de face, massive avec ses deux tours parallèles, du chevet, légère et aérienne avec ses arcs-boutants et sa flèche aiguë, comme un bateau, Notre-Dame sous la neige, dans les brumes du soir et de l’automne ; tantôt, là-bas, sur les rives normandes dis fleuve, l’autre cathédrale se dressant sur la ligne échelonnée des quais de la cité, et tous ses faubourgs animés et populeux : l’île Lacroix, Saint-Sever, Croisset, La Bouille, d’où il fera de temps en temps quelque fugue, toujours en terre normande, à Hondouville, sur les boras d’une bien petite mais charmante rivière, l’Iton.
Toute l’existence de Albert Lebourg est dans ces vagabondages suivis de continuels retours, le sac au dos et la boîte de couleurs à la main. Il n’a pas d’autre jouissance, d’autre loi que de peindre et, rivé aujourd’hui à son fauteuil par les infirmités contractées dans les hasards de cette carrière où l’artiste est exposé à toutes les intempéries, Albert Lebourg, au bord de sa fenêtre, compose encore de tête des tableaux avec les éléments bornés de son horizon limité, mais dont les accords se modifient avec les divers effets du jour.
Malgré les épreuves inévitablement réservées à toute vie humaine, — et ce pauvre cher Albert Lebourg en a eu sa large part, — cette vie qui s’est dépensée en tant de visions de grâce, de fraîcheur et de jeunesse, doucement illuminées par une âme émue, tendre et mélancolique, en si parfait accord avec la nature, cette vie est, malgré tout, une des plus nobles, une des plus pures, une des plus belles vies d’artiste. Puisse cette manifestation, préparée par la piété, la fidélité de vieux et fervents amis, et à laquelle s’associeront de nombreux admirateurs, en convaincre Albert Lebourg et lui faire reconnaître, enfin, la portée de son œuvre.

Léonce BÉNÉDITE

Né à Nîmes le 14 janvier 1856 et mort à Paris en 12 mai 1925.

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